samedi 9 janvier 2016

Maison bourguignonne

La Bourgogne.

Toujours en famille.
Tous les étés ou presque.
Pour un jour, une nuit, une semaine ou un mois.
En étape sur le chemin des vacances ou comme destination.
Il y a toujours du monde.
Cette grande maison blanche, carrée et pas très belle. Accolée à une cave, une grange ouverte, ce qu'on appelle l'écurie. Qui en était une il y a bien longtemps, qui ne l'est plus depuis un bon moment et qui ne sert plus qu'à remiser du bois.
Le crépi disparaît petit à petit au profit de pierres cachées jusque là.
Cette maison a abrité tant de monde, a accueilli tellement d'enfants et parents, a hébergé un nombre infini de moments qu'on ne peut pas oublier.
Les vacances ont un goût de vivre-ensemble. On y retrouve les oncles et tantes, les cousins, les parents détendus, ou pas, les grand-parents qui s'inquiètent pour tout et tout le monde. Serons-nous bien couchés ? Qu'allons-nous manger ? Combien de temps allons-nous rester ? Comment allons-nous nous occuper ?
Les inconvénients liés à la promiscuité sont oubliés grâce aux moments de partage.
Les repas revêtent une importance particulière. Ils structurent notre journée et sont le symbole de notre volonté d'être ensemble.
Petit déjeuner. Réveil en douceur. Chacun à son heure. Le dernier débarrasse la table.
Le déjeuner. Dont on s'inquiète dès 10h, qui sera le prétexte à une virée en ville à 10km de là, et qui nécessitera 1h30 de préparation en cuisine ou derrière le barbecue.
Le dîner. Fait de restes, qui précède les soirées jeux. Rami, Pictionnary, Tarot,...
Cette maison ne connaît la télévision qu'en location pour que mon grand-père puisse somnoler devant le Tour de France tous les après-midis pendant que nous vadrouillons dans la campagne environnante. Ensemble. Toujours.

A.D.

mercredi 6 janvier 2016

Une odeur d'enfance...

D'abord, un vacarme épouvantable : les énormes gouttes de pluie tropicale tapent en staccato serré sur le toit de tôle de la maison, rebondissent, s'écrasent, glissent le long des rainures métalliques, et finissent par former un rideau liquide et néanmoins compact devant mes fenêtres grillagées dépourvues de vitres : il n'y a pas le moindre écran entre moi et les bruits de l'Afrique, là-dehors.

La pluie épaisse joue sa partition sauvage, tambourine sur la tôle avec une violence toute équatoriale, de celle qui fait résonner les tams-tams au fond de la savane, violence du soleil blanc et brûlant, violence du courant fou des rapides du fleuve qui vont se briser là-bas, dans une chute vertigineuse, toute cette violence est là, au-dessus de ma tête. Elle résonne dans ma gorge, elle bat tout au fond de mon cœur.

L'eau s'écrase avec un bruit mat dans la terre rouge et verte du jardin, puis disparaît. Par endroits, elle reste au-dessus, forme une flaque jaune sale où les gouttes créent des cercles qui grossissent, s'entrecroisent, se propagent, s'absorbent les uns les autres.

Aussi brusquement qu'elle a commencé, la pluie s'arrête, d'un seul coup : le silence se pose partout, un silence vaguement angoissant, comme après une catastrophe. Les battements dans mon corps se calment doucement, laissant s'installer le silence là aussi.

Alors, de la terre chaude et meurtrie, monte à mes narines une odeur de mangues pourries, d'herbe humide toute fumante, de tôle rouillée, et par-dessus tout ça, le parfum entêtant des fleurs du frangipanier qui ombre la terrasse, où se mêlent l'humus lourd et collant des tropiques avec la délicatesse et la légèreté du vol du colibri devant la gracieuse  étoile jaune et blanche.


Anne Girard

dimanche 3 janvier 2016

Un nouveau présent

Manon,

Me voici enfin arrivée sur ce sol indien que j’attendais avec tant d’espoir !
Le voyage s’est bien passé avec la routine des embarquements, le brouhaha de l’aéroport et le passage des contraintes administratives.
Me voici enfin arrivée !
Une bouffée de chaleur me saisit à la descente de l’avion.
Avant de rejoindre la vie grouillante et trépidante de la ville, mon hôte me propose de prendre un peu de hauteur et de nous rendre dans ce site touristique qui domine la métropole.
Imagine devant toi, dans un ciel plus que bleu se trouve au premier plan, un arbre immense. Son tronc rugueux, ridé et ses longues branches effeuillées  met en perspective les nombreux monuments qui longent des remparts. Avec cette pierre ocre, base commune de ces constructions, la vue est séduite par la richesse des formes architecturales : habitations anciennes, temple, tour penchée comme à Pise !
Et puis, bien sûr en Inde, les vaches sacrées ! Quelle surprise dans ces ruines au milieu de pelouses quasi anglaise et de sorte de buis parfaitement taillés.
Ce premier contact me rejoint dans mon for intérieur à travers cette opposition entre le passé et le futur. J’ai quitté la France pour quitter ce passé et j’apprécie de me retrouver dans cette ambivalence de l’aspect historique qui s’oppose à la modernité de la ville que nous surplombons et ce côté décalé des vaches et de cette pelouse anglaise dont le jaunissement à certains endroit montrent la vigueur du climat indien.
Tu le sais comme moi : je suis là pour construire un nouveau présent qui j’espère saura trouver de nouvelles racines à l’image de cet arbre majestueux dont émane une douceur apaisante.

Isabelle