mercredi 6 janvier 2016

Une odeur d'enfance...

D'abord, un vacarme épouvantable : les énormes gouttes de pluie tropicale tapent en staccato serré sur le toit de tôle de la maison, rebondissent, s'écrasent, glissent le long des rainures métalliques, et finissent par former un rideau liquide et néanmoins compact devant mes fenêtres grillagées dépourvues de vitres : il n'y a pas le moindre écran entre moi et les bruits de l'Afrique, là-dehors.

La pluie épaisse joue sa partition sauvage, tambourine sur la tôle avec une violence toute équatoriale, de celle qui fait résonner les tams-tams au fond de la savane, violence du soleil blanc et brûlant, violence du courant fou des rapides du fleuve qui vont se briser là-bas, dans une chute vertigineuse, toute cette violence est là, au-dessus de ma tête. Elle résonne dans ma gorge, elle bat tout au fond de mon cœur.

L'eau s'écrase avec un bruit mat dans la terre rouge et verte du jardin, puis disparaît. Par endroits, elle reste au-dessus, forme une flaque jaune sale où les gouttes créent des cercles qui grossissent, s'entrecroisent, se propagent, s'absorbent les uns les autres.

Aussi brusquement qu'elle a commencé, la pluie s'arrête, d'un seul coup : le silence se pose partout, un silence vaguement angoissant, comme après une catastrophe. Les battements dans mon corps se calment doucement, laissant s'installer le silence là aussi.

Alors, de la terre chaude et meurtrie, monte à mes narines une odeur de mangues pourries, d'herbe humide toute fumante, de tôle rouillée, et par-dessus tout ça, le parfum entêtant des fleurs du frangipanier qui ombre la terrasse, où se mêlent l'humus lourd et collant des tropiques avec la délicatesse et la légèreté du vol du colibri devant la gracieuse  étoile jaune et blanche.


Anne Girard

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