lundi 27 juin 2016

Lecture de fin de saison

Samedi 25 juin, nous avons lu des extraits des différents textes écrits durant cette année. Merci aux auteurs qui ont accepté de se faire lecteurs, dévoilant leurs textes, acceptant aussi de se partager les textes des absents ! C'était une belle après-midi. Quelques souvenirs en images :



jeudi 23 juin 2016

Odeurs

Quel silence ! Je n’entends plus les oiseaux. Mes compagnons de jardinage. Un petit coup d’œil vers le ciel. De gros nuages sombres s’annoncent. J’ai compris. Vite. Encore quelques tailles. Puis mettre à l’abri les outils et le sac compost. Les feuilles des arbres s’agitent. Il est temps de rentrer. L’orage… Fidèle à cette saison. L’été et cette chaleur qui m’ont fait hésiter à sortir. Mais l’appel de la tâche à accomplir m’avait décidé à affronter la température. Un regard sur le jardin qui s’assombrit. Et des trombes d’eau… Pourquoi ne pas en profiter pour feuilleter un livre sur le jardin à la recherche de conseils ?

Une luminosité plus forte me fait relever la tête du livre. L’orage se serait-il éloigné ? Sitôt dehors, je suis saisie. L’humidité et la chaleur se sont joints pour embaumer le jardin. L’odeur entêtante de la rose m’enveloppe quand je passe sous l’arceau du rosier grimpant. Le parfum des géraniums trace le chemin vers la pelouse où la terre trempée me rappelle une tonte récente. L’humus au fond du jardin m’appelle pour me signifier que là, se trouve une parcelle à fleurir.

Et cette plante dont le nom m’échappe toujours et dont le parfum du curry appelle au voyage. Les senteurs de la sauge et le laurier viennent compléter ce repas de verdure.
Quelle joie de profiter aussi intensément de cet endroit... Je me console de passer autant de temps à y travailler et non à m’y reposer.

Catherine

Retour de la Réunion

Clémence passe le contrôle des bagages à l’aéroport de Saint Denis de la Réunion. Elle dépose son petit sac à dos dans le casier ainsi que ses papiers.
-        Le contrôleur : Madame, déchaussez-vous !
-        Clémence (tout sourire) : Euh, je n’ose pas.
-        Le contrôleur : Et pourquoi ?
-        Clémence : Mes chaussettes sont toutes trouées !
-        Le contrôleur (ricanant) : Vos pieds prendront un peu plus l’air !
Clémence (regardant ses chaussures de randonnée à grosses semelles) : Je dois tout délacer…
-        Le contrôleur (avec agacement) : Nous avons tout notre temps.
Clémence commence à s’exécuter mais montre des difficultés à délacer la première chaussure.
-        Clémence (écarlate) : J’ai trop serré le lacet.
-        Le contrôleur : Vous voulez un cutter ? Justement, je viens d’en récupérer un dans le bagage d’un passager.
Clémence finit par ôter ses chaussures. Ses chaussettes ne sont pas trouées.
-        Le contrôleur (dubitatif) : c’est merveilleux. Elles se sont recousues toute seules !
-        Clémence  : J’avais oublié que je les avais  changées avant de partir.
-        Le contrôleur : Posez vos chaussures dans le casier.
Clémence fait ce qu’il lui dit et s’apprête à passer sous le portique. Le contrôleur l’arrête.
-        Le contrôleur : Quelque chose bouge dans une chaussure.
Il sort un cutter de sa poche et ouvre la semelle. Quelque chose s’échappe.
-        Le contrôleur : Un lézard ?
-        Clémence  : C’est un margouillat ! Ne lui faites pas de mal.
Le contrôleur essaie d’attraper la bestiole qui coure sur le tapis.
Clémence passe sous le portique. Signal sonore. Le contrôleur ne sait plus quoi faire.
-        Le contrôleur : Surtout ne bougez pas !
-        Clémence  : Mais je veux le récupérer !
-        Le contrôleur : C’est interdit de le transporter
Il regarde le lézard disparaitre dans la zone de contrôle et fouille Clémence. Il sort un tube de rouge à lèvres de la poche de la jeune femme. Celui-ci est dans un bel étui métallique.
-        Le contrôleur (inspectant l’objet) : Vous aimez vous faire remarquer !
-        Clémence  : C’est interdit ?
-        Le contrôleur (énervé) : Allez, filez !
Clémence se rechausse. Elle clopine, une de ses chaussures s’affaisse.
Elle regarde le public en aparté.
-        Clémence  : Ouf ! Quelle belle diversion ! Il n’a pas vu le plant de tamarin...
Catherine




Impression de Lupango

Lupango, Depardon 1994
Me voilà à Lubango en Angola, marchant tranquillement afin de capter ces scènes de rue qui révèlent une atmosphère locale.
Face à moi, une petite fille me frappe. Elle parait désemparée. Bouche-bée, elle regarde la poupée nue qu’elle tient par la seule jambe qui lui reste. Elle voit avec désarroi son jouet détérioré. Une autre fille plus grande la regarde. Que s’est-il passé ? Une dispute, une malveillance ? La jeune enfant a-t-elle cherché à défendre sa seule poupée, plus qu’un objet pour elle ? Portant une robe écossaise où est posé de travers un T-shirt tâché, elle reflète une certaine pauvreté.

Et pourtant l’ambiance parait sereine autour. Des personnes de dos marchent calmement dans la rue où immeubles plus ou moins entretenus côtoient une maison à bow-window reflétant une certaine aisance. Des murets blanchis à la chaux en mauvais état bordent un jardin public où un homme est assis. Fait-il la sieste dans cette chaleur pesante ? En tout cas, il ne montre aucune réaction à proximité de la scène dont  je viens de parler.

Si le ciel est moutonneux, des ombres rappellent que le soleil est bien là, caché mais puissant. Comme ce camion bâché au loin rappelle que la guerre civile n’est pas loin.

Je réalise que j’observe un pays où la récente mais faible modernité voisine avec le dénuement d’une grosse partie des habitants.

Catherine

lundi 6 juin 2016

La prison / La maison

L'ENFANT PRISON
La mignonne de cinq ans ne comprend pas pourquoi sa vie est si triste ? Sa maman à de beaux ongles.
Si on lui demande ce que fait sa maman, elle dira... elle fait ses ongles... Mais quoi encore interroge-t-on ?... elle se fait les ongles rouges...

L'enfant est seule dans sa souffrance et sa solitude. "L'enfant-prison", diraient les adultes. Si elle pouvait analyser sa vie, elle dirait qu'elle est sans amour.

Son père n'a que faire d'elle, elle l'ennuie, le fatigue, l'énerve. Alors pour lui montrer qu'il est le plus fort, il la martyrise. Bien sûr, elle ne pleure jamais, elle laisse ses larmes au fond de son coeur, elle fait semblant... Mais elle à envie de crier.

Sa vie c'est quoi ? la misère dans un appartement triste, une rue sale où la pluie n'efface pas la crasse. Et puis quoi ?? elle est souvent dehors, seule derrière la grille de l'immeuble. Elle ne joue pas beaucoup, n'a pas d'amis. Elle reste là à regarder le trottoir d'en face et aujourd'hui, cet homme bien habillé qui la prend en photo, la regarde, lui sourit. Dans l'objectif de son appareil, il ressent de la tristesse pour cette enfant, son coeur saigne, il a compris l'injustice, il sait, il est passé par là ! Il a envie de la prendre dans ses bras, lui dire que la vie ce n'est pas cela. Allez ma mignonne, ris, danse, oublie tout pour un moment ! Juste un petit moment !


LA MAISON DOUCE
La maison somnole dans la tiédeur du petit matin d'été. Le jour n'est pas encore levé et pourtant des effluves de roses parfumées montent du jardin. Les fleurs à peine écloses attendent le rayon de soleil, distillant déjà leurs arômes légers. Le lilas n'en peut plus de porter toutes ces grappes, il plie, se tord, si fier de sa parure chatoyante.
Les pâquerettes timides sortent à peine de terre, s'amusent entre elles, se poussent, se bousculent pour avoir la meilleure place au soleil, leurs pétales transparents dans le jour à peine à naître éclatent de blancheur, la journée sera belle.

Les enfants dorment encore dans leur lit douillet. Le petit Paul, presque encore un bébé, bercé par ses rêves, respire doucement les lèvres entrouvertes. Son souffle est chaud, odorant comme un bonbon. Sa peau délicate luit dans le clair-obscur de la chambre. Un sourire éclaire son visage.

Surtout ne pas faire de bruit, ne pas troubler son sommeil. Et toi, ma fripouille, mon coeur, il n'est pas encore venu le temps du réveil et, dans la chaleur de tes draps, tu transpires un peu, tes courts cheveux blonds sont humides, tu as chaud, tu es bien et c'est bon. Une odeur de vanille t'enveloppe, parfumant ta chambre. Je sais que tout à l'heure, dans peu de temps, ce sera l'aube avec ses couleurs, ses bruits, le tintamarre des oiseaux, trop forts, trop stridents, c'est la vie qui commence si tôt déjà, si belle.

Et puis, l'odeur âcre du café parfumera la cuisine, s'insinuera dans les placards, sous les portes. Je prendrai la première tasse dans la maison endormie, je savourerai cet instant seule, si bien, je me brûlerai sûrement la
langue et je recommencerai.

Et puis un rire d'enfant, puis un autre, des piétinements de petits pieds courant dans le couloir vers le chocolat chaud qui déroule ses délicates odeurs. Leurs papilles déjà en émoi, mes petits entreront dans la cuisine riant, criant,se bousculant, heureux, les joues rouges. C'est la vie qui entre comme une cascade de bonheur. Mes
chéris, mes amours, je garderai toujours en moi ces petits moments rares. Surtout, ne grandissez pas trop vite.

Danièle Bellanger

Le colporteur / le clochard

Je suis né en 1830, moi, le colporteur, nul ne connaît mon nom, je n'en ai peut-être jamais eu.
Mes parents vivaient auprès des rats et des détritus, pauvres gens, pauvre vie.
La chaleur, la puanteur, la misère étaient notre lot. Notre nourriture se composait de ce que nous arrivions à chaparder sans nous faire prendre. Quelquefois, un petit vendeur au grand cœur nous offrait de quoi ne pas mourir de faim.
C'est ainsi que j'ai grandi, pouilleux mais débrouillard.

Maintenant, seul, mon panier sous le bras, je vends ce que j'ai acheté aux maraîchers le matin.
Je marche sur les pavés de Paris, mon chez-moi.
Je suis connu, on m'appelle : « Hé, colporteur ! Qu'as-tu dans ton panier qui pourrait faire mon affaire ? Surtout ne me vole pas ! Je connais les prix ! »
Bien sûr, je les vole, c'est mon métier ; souvent, je ramasse des légumes un peu défraîchis… Et alors !!!

En fin de journée, bien fatigué, lorsque les bruits de la ville deviennent moins forts, soyeux, si j'ai eu  la chance de ramasser un mégot de riche dans le caniveau, je me roule une cigarette.
Et ça, vous pouvez me croire, c'est le bonheur.
Mon bonheur à moi, pauvre colporteur.


Le colporteur, Danièle Bellanger

La pluie tombait dru, froide sur l'homme inconscient des gouttes s'insinuant dans son dos.
Le visage ruisselant, les épaules voûtées semblant lutter contre le vent.
Il était, seul, ignoré, oublié du monde. Sa vie à lui, c'est la rue, la cavale, la peur.  Bien sûr il a commis des erreurs, impossible de revenir en arrière, trop tard il le sait bien ...
S'il pouvait tout reprendre? Sa maison, son travail insipide mais qui faisait de lui un homme. Et surtout les siens, qu'il aime tant - ce qu'ils lui manquent ! Pourquoi l'ont il abandonné ?
Il a fait des bêtises, des grosses, de celles qui gâchent une vie, dont ont ne sort pas indemne. Maintenant sous la pluie, il tremble de froid, de peine, de dégoût de lui-même, des autres. Il a faim, il a soif, même le mauvais vin acheté chez l'épicier n'arrive pas à l'enivrer pour lui faire oublier qu'il est seul. Ce soir il dormira dans un coin de rue, qu'importe l'endroit, couché par terre.
Les passants l'ignoreront, ne le verront même pas.
Et la pluie continuera de tomber.

Le clochard, Danièle Bellanger