lundi 5 juin 2017

La nuit

Chacun doit supporter ce double cycle de vie : nuit/jour, avec plus ou moins d’appréhension suivant ses états d’âme, humeurs, et émotions. Parfois, la nuit nous semble douce et protectrice - ne dit-on pas : Ô douce nuit, Ô sainte nuit, tout s’endort plus de bruit… Mais aussi source d’angoisse et de peur, nos sens visuels et auditifs sont privés de tous signaux.

Les chats aiment la nuit. Leur vision nocturne leur permet de se fondre dans les éléments de la Nature - « la nuit, tous les chats sont gris ». Est-ce une chance ? Oui pour les prédateurs qu’ils sont, non pour leurs proies.

Quant à nous les êtres humains ? Pourquoi avons-nous des sentiments différents ?

Le monde extérieur qui nous entoure disparaît, une seule couleur nous enveloppe, le noir. Nous devons vivre avec une vision limitée du monde et nous contenter d’une lumière artificielle.
Pour certaines personnes, celle-ci n’est même plus perceptible car ils ont à jamais perdu la vue.

Patrick était un excellent cavalier. Victime d’un grave accident au cours d’une cascade équestre, il perd brutalement la vue. Ses yeux se sont éteints, aucune opération ou greffe ne peuvent les sauver, malgré moult tentatives.
Comment vivre avec cet handicap ?
Accepter la nuit, la vraie, celle que nous redoutons tous ?
Vivre sans voir -
Bien sûr il reste les autres sens, l’ouïe, le toucher, le gout, l’odorat.
Essayez de convaincre un jeune homme de vingt ans, qui n’a qu’une idée en tête, le suicide, après une vie lumineuse et pleine d’insouciance.
Refuser l’évidence, ne plus pouvoir vivre sa passion pour les chevaux.
Remonter en selle et continuer à les dresser.

Progressivement, l’amour et l’affection de ses proches l’encouragent à reprendre goût à la vie. La magie de la nuit complète opère enfin une transformation de ses autres sens. L’ouie, le toucher, toutes les sensations corporelles se développent et vont lui permettre de retrouver l’envie, au moins, de vivre et de voyager.

Au cours d’un périple en Andalousie, une proposition d’achat de chevaux s’offre à lui et miracle et magie se confondent. Doumey ose se remettre en selle, guidé par un « péon » espagnol.
Etat de grâce, instants de pur bonheur pour nous, de lire à nouveau, sur son visage la joie et la complicité entre l’homme et l’animal, le cavalier et le cheval. Retrouver les forces et les sensations qui vont lui permettre de renouer avec sa passion et de dresser à nouveau des chevaux.
Confiance « aveugle » de se laisser guider dans cette nuit infinie, au travers du regard d’un animal qui accepte le rôle avec respect et compréhension. Seul sur sa monture, musique aux quatre coins du corral, ils évoluent avec élégance et rigueur.
Chacun chante la même « chanson de gestes » répétée jusqu’à la perfection.

« Mes nuits sont plus belles que vos jours » dira-t-il souvent, car maintenant le monde imaginaire dans lequel je vis vous ne pourrez jamais l’atteindre ou le comprendre. Désormais, ma vie s’est enrichie grâce au développement de ressources dont je n’avais pas conscience dans ma vie antérieure. Depuis, j’ai appris à jouer du saxophone sans jamais avoir lu de solfège, uniquement « à l’oreille », je participe à des compétitions de courses à pied avec ma canne blanche, accepte d’être filmé pour des documentaires projetés dans des salons équestres nationaux mais aussi aux USA.

Bel exemple de volonté pour nous les « voyants » que nous sommes, mais aussi prise de conscience que la « nuit absolue» n’est pas sombre et triste mais peut se révéler source de bonheur.


Catherine Leulier 

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