lundi 4 décembre 2017

6 rue Cortot

10 heures ce matin de mai  
6 rue Cortot, Montmartre 

Belle lumière bleutée à travers la grande verrière.
Suzanne dans sa baignoire sabot rêve des heures à venir, le bruit de l'eau chaude coulant des robinets de laiton la plonge dans une molle torpeur. C'est un moment délicieux.
L'instant ou l'on monte l'escalier serait paraît-il le meilleur moment de l'amour, Suzanne c'est dans son bain que le film commence.
Elle l'attend alanguie, déjà offerte.
Sur la table de toilette en marbre rose, onguents et parfums pour se faire la plus désirable.
Tout à l'heure, dans la chambre sous les poutres de bois verni derrière ce paravent de satin mordoré, elle se vêtira de sa plus belle robe.
Celui qui vient tout à l'heure n'est pas un inconnu, et cette alcôve est son antre, sa douce félicité, son havre de plénitude.
Elle est prête à présent, ne peut s'empêcher d'arpenter d'un pas léger presque dansant son atelier.

Troublants, tous ces tableaux qui la regardent ; ses modèles sont souvent des femmes aux formes voluptueuses, quelques danseuses du Moulin Rouge ; la Goulue sur cette grande toile, la jupe relevée sur des jambes parfaites gainées de bas résille, semble la défier de son air gouailleur.
Toutes ces peintures respirent la joie, le plaisir et la fête.
Le bonheur est toujours là lorsqu'elle traverse cette grande salle plein ciel ou les couleurs se mélangent avec tant d'harmonie.
Suzanne ici s'exprime, crée, peint. Là est sa vie, sa vraie vie.

Sur un chevalet, à l'angle de la pièce, le visage grandeur nature de son amant où elle a su capter, dans l'éclat de ses yeux, la musique de son âme. 
La voilà à présent dans l'immense pièce principale avec son coin sofa aux douces couvertures, dentelles et coussins brodés, ici et là petites consoles basses pour la collation, le thé.
Au beau milieu, un gros poêle à bois ronronne comme un gros chat.Tout est feutré et doux.
Suzanne s'endormirait presque.
En déshabillé de soie mauve, petites mules à pompons roses, foulard en turban dans ses longs cheveux roux, elle irradie, belle comme une odalisque.

Erik ne va plus tarder : où feront ils l'amour ? Sur ce sofa même, dans la chambre plus douillette, l'atelier il aime bien aussi...
Fou d'elle, il l'appellera ma BIQUI .

L'histoire de Suzanne Valadon et d'Erik Satie ne durera que cinq mois.
Il restera inconsolable et composera pour elle ses danses gothiques.
Mathurine 

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